Poème de l’amour – Anna de Brancovan, comtesse de Noailles

L’orgueil est l’ennemi constant
De l’amour et de ses largesses;
Fort comme la vie, il attend
Que l’on retourne à sa noblesse.

Il veille sur tout l’abandon,
Sur tout le divin esclavage;
Il n’accorde pas son pardon
Au clair flamboiement des visages,

– Aux visages lavés de pleurs,
À ces larmes froides et rondes
Qui ne sont pas de la douleur,
Mais l’éblouissement du monde !

– Certes, il est dur de quitter
Cet orgueil prudent, fort et triste,
Qui, repoussant la volupté,
Fait croire à l’âme qu’elle existe;

Mais à cause de cet effort
Par qui tout l’être se surmonte,
Par ce consentement de mort,
Il est beau d’accepter la honte.

– Je voudrais ne plus rien tenir
Que de ton affable puissance,
Ne respirer, ne me nourrir
Qu’au doux gré de ta complaisance.

Qu’il serait bon, ce dénuement,
Au coeur royal que l’on détrône,
Et qui vécut trop fièrement !
– Être sans pain, sans vêtement,
Et dans un tendre abaissement
En recevoir de toi l’aumône…

Poème de l’amour
Poèmes de Anna de Brancovan, comtesse de Noailles

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