Poème de l’amour – Anna de Brancovan, comtesse de Noailles

Tout ce que nous aimons est déjà sous la terre,
Un éphémère effort conduit encor nos jours,
Mais, déçue à jamais par l’ingrate atmosphère,
Pour mon regard il n’est de loi ni de mystère;

Peut-être êtes-vous là, pourtant, tenace Amour ?

Tout rêve et tout espoir s’écroulent dans des tombes;
Toute animation s’affaisse dans le sol;
– Printemps passionné, caresses des colombes
,
Tendre essor des parfums, appel du rossignol,

Incoercible élan d’un visage vers l’autre,
Chaude haleine créant un humain paradis,
Sainte présomption d’être ces deux apôtres
Graves, dont l’un s’abreuve à ce que l’autre dit,
Terrible instinct d’amour qui combattez le nôtre,
Quand l’immense douleur nous a tout interdit,

Malgré votre besoin de prolonger la race
Vous n’êtes qu’un instant vifs au-dessus des morts;
Vous usez chaque jour les âmes et les corps,
Rien de tout ce qui vit ne laissera de traces;

– Mais alors vous venez sourdement vous poser
Comme un ordre pressant sur la plus triste face :

Méprisable et divin miracle du baiser !

Poème de l’amour
Poèmes de Anna de Brancovan, comtesse de Noailles

Citations de Anna de Brancovan, comtesse de Noailles